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La psychothérapie de la psychose

Publiée le 8 décembre 2012, 14:40

La psychothérapie de la psychose me semble intéressante dans la mesure où la relation à l’autre, dans son aspect interactionnel, va permettre au patient de se sentir investi par autrui. Le fait de se sentir exister pour les autres, et de recevoir enfin cette « autorisation » à être, va aider le sujet à renouer avec un sentiment d’existence qui lui est propre, mais qu’il ne parvient pas facilement à percevoir. Le patient va apprendre dans cette relation très spécifique à l’autre, à devenir Sujet, à s’affirmer en tant que tel, et à trouver sa place véritable. La «chaleur» de la rencontre avec le thérapeute peut aider le patient à retrouver une unité corporelle, et pour reprendre les expressions de la psychanalyste Gisela Pankow, à « s’installer dans un corps à lui », lui faciliter la « découverte d’un corps total », séparé de l’autre mais « qui peut jouir seul », sans être dévasté. Le travail thérapeutique peut ainsi amener le patient à prendre conscience progressivement que le monde hors de la famille n’est pas forcément mauvais ou méchant et qu’il peut aller vers l’autre sans risquer forcément l’anéantissement.
La relation thérapeutique peut aider à la diminution du repli autistique, et aider le sujet à s’ouvrir au monde des autres en favorisant une aide au décodage de la réalité. En se réfugiant dans son délire, le psychotique veut, en effet, très probablement se protéger d’une certaine manière du réel qui le touche et qui est en lien avec une certaine vérité qui le concerne personnellement. Au cours de la relation thérapeutique, et par le biais du transfert et du contre-transfert, des choses vont être extériorisées par le sujet, partagées dans la rencontre, et être « lues » par le thérapeute. Le thérapeute sera là en soutien au patient pour lui permettre de dire les choses, lorsqu’il parviendra à les externaliser avec les moyens qu’il a à sa disposition.
Dans cette relation au patient, le repérage de certaines causes des troubles du patient va peut-être pouvoir se faire, ainsi que le repérage de la fonction du symptôme dans le contexte situationnel et historique du patient. Ce dernier pourra éventuellement aborder les traumatismes éventuels qu’il aura subis, possibles causes ou conséquences de ses troubles psychotiques. Peu à peu, un décodage peut se faire, par le patient avec l’aide du thérapeute et par la mise en mots, en mettant un sens sur ses ressentis. Le patient va à son rythme tenter d’inscrire son corps vécu dans l’espace mais aussi et surtout dans le temps. Ce soutien procuré par la psychothérapie peut permettre au sujet de devenir plus « fort », de sentir enfin ses limites, de vivre son corps pour parvenir à sa symbolisation.
En retrouvant un corps plein de vitalité, capable de contenir, le patient peut avoir accès au désir, le reconnaître, devenir progressivement capable de faire des choix et être à même d’affronter l’autre dans sa voix et son regard, et pourquoi pas réparer la frustration initiale et découvrir une réalité qui peut lui être bienfaisante à bien des égards. « Si l’on est psychotique, c'est-à-dire si l’on n’habite pas son corps, le désir ne peut pas se structurer ; il y a un « glissement » du sous-sol psychique, un « tremblement de terre » » (1), témoigne Gisela Pankow.
Néanmoins, le trouble du patient peut être particulièrement criant et devenir critique dans la relation thérapeutique. Le thérapeute peut se voir submergé par la problématique de la personne qu’il reçoit, et ne pas pouvoir affronter seul l’intensité de la souffrance du sujet. « Le transfert du patient, mais aussi sa réalité, peuvent provoquer de vives réactions affectives chez l’analyste » (2) note Otto F. Kernberg. La présence de tiers, sous la forme d’étayage ou d’observation des comportements, peut s’avérer indispensable afin d’éviter que le thérapeute se trouve débordé par le fonctionnement psychique de son patient.

(1) Gisela PANKOW, L’être-là du schizophrène, Champs Flammarion, 2006, page 168.
(2) Otto F. KERNBERG, Les troubles limites de la personnalité, Privat, 1979, pages 79 et 80.



Ecrit par Fanny Vanesse.

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